Être freelance, c’est accepter de ne pas avoir de salaire fixe. Tributaire des soubresauts de votre chiffre d’affaires, votre salaire d’indépendant fluctue selon votre taux journalier moyen, ou TJM, et votre volume de travail. Votre revenu net ne se confond cependant pas avec votre CA : selon les cotisations sociales et l'imposition dues à votre statut administratif d’entreprise, votre rémunération nette de freelance peut varier du simple ou double ! Quelle méthode de calcul utiliser pour estimer son salaire de freelance sans s’arracher les cheveux ?
Voici notre réponse en schémas, selon un exemple fictionnel et estimatif, à adapter à votre réalité !
Nicolas Delignieres
Les freelances que nous recevons en formation nous posent souvent cette délicate question : “À quel salaire s’attendre en tant que freelance ?” ou “Comment calculer en freelance son salaire ?”. On aimerait que la réponse soit aussi simple que la question.
La plupart des freelances ne perçoivent pas ce qu’on appelle communément un “salaire”. L’administration prend même la liberté de qualifier une partie d’entre eux de “travailleurs non salariés” (TNS), en opposition aux chefs d’entreprise “assimilés salariés”.
Il reste néanmoins possible de calculer sa rémunération nette mensuelle quand on monte seul sa société. Celle-ci dépend de différents éléments, parmi lesquels :
Vous devez donc calculer votre TJM et prendre en compte votre volume de travail pour vous permettre de calculer votre chiffre d’affaires (CA) mensuel. C’est généralement à cette somme qu’il va falloir soustraire toutes les dépenses citées ci-dessus, pour avoir une idée de vos rémunérations nettes mensuelles.
Quel que soit votre mode de facturation, c’est à partir de votre chiffre d’affaires que vous allez pouvoir dérouler le calcul de votre salaire de freelance. Méfiance, cependant : un même CA mensuel n’aboutit pas à la même masse salariale nette, selon que vous êtes micro-entrepreneur, EIRL, EURL, ou SASU.
Pour calculer votre salaire de freelance, vous devez connaître votre chiffre d’affaires, ou votre “bénéfice”, si ce CA est positif. Cette somme se détermine en partant soit de votre Tarif Journalier Moyen, soit de vos Tarifs Horaires Moyens, soit de votre facturation mensuelle, pour des missions freelance.
Si vous fonctionnez au TJM ou au TMH, gardez bien en tête que votre CA ne peut se calculer qu’à partir du nombre de jours ou d’heures pendant lesquels vous avez vraiment travaillé. Sur les plus ou moins 30 jours du mois, il convient donc de supprimer le volume horaire qui correspond à la gestion de votre activité : prospection clients, comptabilité et déclarations URSSAF.
Pensez aussi à soustraire de votre quota de jours ouvrés toutes les indisponibilités que vous impose le calendrier. Supprimez les congés payés, les week-ends, les jours fériés et les jours de crève. Il est ainsi assez courant de compter 19 à 21 jours ouvrés par mois. Vous pouvez également calculer le nombre de jours par an travaillés.
Devenir freelance s'accompagne de différentes dépenses que vous devez prendre en compte pour connaître votre rémunération mensuelle. Il va falloir les soustraire de votre chiffre d’affaires. À ce stade, retenez simplement qu’il existe un certain nombre de “charges d’exploitation”. Celles-ci varient selon votre format juridique, votre activité, votre quotidien professionnel et votre aversion aux risques :
La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ne concerne pas tous les entrepreneurs. Quand elle s’applique, cependant, elle se répercute directement sur vos factures. Pensez donc bien à soustraire le montant dû à la TVA de votre chiffre d’affaires mensuel brut pour un calcul simple de votre salaire d’indépendant.
La TVA ne commence à s’appliquer qu’à partir d’un certain seuil. Deux nombres à garder en tête, donc :
Au moment de vous lancer à votre compte, vous optez pour un format juridique d’entreprise. Un choix ardu, tant les possibilités recoupent des réalités diverses, et des spécificités juridiques foisonnantes. Votre protection sociale dépendra notamment de votre choix. Retenez ainsi 4 grands types de structures :
Dans chacun de ces cas, s’appliquent des charges qui dépendent notamment de :
Alerte, ce qui va suivre peut-être perturbant et peut nécessiter un accompagnement psychologique lourd. Vous le constatez par vous-mêmes, les différentes situations administratives accessibles aux freelances recoupent quantité de variables, parmi lesquelles les charges sociales et les taux d’imposition. Comparer les différents statuts et leur impact est une tâche herculéenne tant les différences de fonctionnement rendent la modélisation complexe.
C’est aussi pour vous aider à ne pas vous perdre parmi toutes ces spécificités que nous avons créé de A à Z une formation freelance et entrepreneur. Vous souhaitez en savoir plus ? Aucun problème, rendez-vous sur notre page formation dès maintenant !
Reprenons et décortiquons soigneusement chacun de nos calculs !
Notons, au préalable, que les charges incarnent votre participation à votre couverture sociale (sécurité sociale, retraite etc.). Elles vous donnent donc des droits, qui varient selon les statuts. Les “assimilés salariés” que sont les SAS/SASU restent les plus avantagés sur le plan de la couverture sociale. Ils épongent aussi, logiquement, les pourcentages de prélèvements les plus élevés !
Donc attention à ne pas prendre un raccourci dangereux en se disant que le meilleur statut est celui qui est le moins chargé.
Les auto-entrepreneurs ne sont pas les seuls Travailleurs Non-Salariés à devoir calculer eux-mêmes leurs salaires. En EIRL, Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée, l’entrepreneur choisit entre deux régimes fiscaux, qui déterminent les cotisations sociales :
Côté charges sociales, l’EIRL a l’obligation de payer des sommes minimales, même si son résultat est déficitaire :
On vous l’accorde, cela représente une fourchette de prélèvement large. Pour en avoir le cœur net, on vous encourage à recourir à cet outil de simulation.
Comment calculer son salaire de chef d’entreprise en EIRL ?
On pourrait croire, compte tenu de ce qui a été dit précédemment que ça dépend du régime choisi (IR ou IS).
En réalité, si vous décidez de vous reverser 100% du bénéfice disponible (c’est-à-dire après déduction des frais de fonctionnement) en rémunération les deux régimes aboutiront aux mêmes cotisations sociales. En revanche, être sous le régime IS présente un avantage important, vous n’êtes pas obligé de vous reverser 100% du bénéfice disponible, c’est-à-dire que vous pouvez réserver une partie qui sera soumise à l’IS mais pas aux cotisations sociales.
Cet argent restera dans l’EIRL et vous permettra de constituer une réserve en cas de coup dur par exemple. Vous pouvez également vous reverser cette somme sous forme de dividende auquel cas vous serez soumis à la flat tax de 30% ET à 10% de cotisation sociale supplémentaire. Ce n’est donc pas très intéressant et vous devriez plutôt partir sur un statut de SASU pour utiliser les dividendes.
Donc prenons une situation tout à fait hypothétique où notre rédacteur web et son bénéfice de 5 000 € mensuels, avec 500 € de frais de fonctionnement optent pour ce format juridique au régime fiscal IR ou IS et décide de se reverser l’intégralité de l’argent disponible :
Cet entrepreneur chevronné se retrouve donc avec 3 053 € nets mensuels avant le prélèvement pour l’impôt sur le revenu (qui dépend de trop de facteurs pour que nous puissions l’estimer dans cet exemple).
Vous tenez le coup ?
Passons donc à l’EURL, l’EURL est une SARL à associé unique. Cela implique une différence majeure avec l’EIRL ; le patrimoine de l’entreprise et votre patrimoine personnel sont formellement distincts l’un de l’autre et votre responsabilité est donc limité à vos apports dans la structure.
Par ailleurs, si vous souhaitez vous associer, l’EURL devient naturellement une SARL ce qui est impossible avec une EIRL.
En théorie il y a deux cas pour la rémunération d’un entrepreneur en EURL. Il peut être gérant salarié et donc être soumis aux cotisations sociales et patronales comme n’importe quel salarié. Ou être gérant non salarié et donc être sur un régime de cotisation identique à celui de l’EIRL.
Mais il y a un piège, si vous êtes gérant et associé (donc que l’EURL vous appartient), vous êtes obligatoirement gérant NON SALARIÉ c’est donc dans l’immense majorité des cas le même calcul que pour le statut précédent.
Le cas du gérant salarié se pose si vous créez une EURL en tant qu’associé unique, et que vous déléguez à un salarié la tâche de gérer cette entreprise. C’est donc assez rare.
Pour en savoir plus, consultez notre article comment choisir son statut de freelance ?
En quoi se distingue le salaire d’un président de SASU, Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle ?
Tout l’intérêt de la SASU, si vous en êtes le dirigeant, consiste à vous créer une rémunération mixte entre salaire et dividende. La partie salaire est alors déductible du bénéfice imposable de la SASU, permettant alors de diminuer l’impôt sur les sociétés. Et, vous profitez ainsi du régime général de la sécurité sociale. Vous devez donc retirer :
Donc reprenons notre freelance qui opte pour le régime SASU en tant que détenteur principal du capital de la société, et qu’il se rémunère à hauteur de 2 000 € nets en salaire et le complément en dividende. On part sur la même base que dans les exemples précédents 5000 € de ventes, 500 € de charges d’exploitation :
Ce freelance Président de sa SASU gagne donc environ 2 583 € / mois (salaire net + dividendes net). Il faut tout de même noter que seul le salaire (2000 € nets) sera imposé à l’IR car la flat tax inclus un prélèvement forfaitaire au titre de l’impôt sur le revenu. Ce mix salaire + dividende est donc particulièrement intéressant quand son taux d’imposition sur le revenu est élevé.
Si ce chiffre semble nettement moins intéressant que ce qu’apporte l’EURL ou l’EIRL rappelez-vous qu’en SASU vous êtes assimilé salarié et donc votre couverture sociale est plus avantageuse que celle des travailleurs non salariés.
Enfin notez que si globalement les dividendes sont plus intéressants sur le plan fiscal il ne donne droit à aucune couverture sociale, donc attention à ne pas négliger votre salaire “classique”.
Le régime de la micro-entreprise, ex “auto-entrepreneur”, est un régime super accessible pour n’importe qui. En revanche, pour ce qui est de calculer son salaire, c’est une autre affaire. Mais heureusement, on est là pour vous l’expliquer le plus simplement possible.
Première chose à savoir : vous réglez principalement les cotisations à l’URSSAF, qui se calculent en fonction de votre CA, selon un taux fixe. Celles-ci s’élèvent entre 12,8% et 22,2% du CA, selon votre type d’activité.
Si vous vous lancez et que vous bénéficiez de l’ACRE, l’aide à la création ou à la reprise d'entreprise, vous profitez en outre d’une exonération totale ou partielle de vos charges, selon votre CA et l’année d'exercice en cours.
En ce qui concerne le régime “micro-fiscal”, il s’agit d’un versement “simplifié”, même si le terme prête à sourire quand on le détaille. À savoir : Il n’y a pas de distinction entre l’entrepreneur et sa société. Ce qui signifie que patrimoine personnel et patrimoine professionnel sont mélangés.
En entreprise individuelle, vous êtes soumis à l’impôt sur le revenu.
Vous avez la possibilité de choisir le versement libératoire de l’impôt sur le revenu, ce si vous ne dépassez pas un certain seuil de chiffre d’affaires. Vous allez alors payer, en un seul prélèvement, à la fois les charges sociales et l’impôt sur le revenu.
En revanche, si vous n’êtes pas éligible au versement libératoire de l’impôt sur le revenu, vous devrez payer en deux fois.
Bien sûr, vous ne pourriez pas gérer tous vos frais d’activité si votre chiffre d’affaires était imposable dans sa totalité. C’est pourquoi vous devez d’abord passer par l’étape du système d’abattement forfaitaire :
Ce sont les proportions imposables au chiffre d’affaires. Ce qui nous intéresse ici ce sont les prestations de services. Le résultat qui en sortira détermine alors votre bénéfice imposable.
Par la suite, le barème progressif de l’impôt sur le revenu va s’appliquer à ce même bénéfice imposable. C’est ensuite à l’administration fiscale de calculer le montant d’impôt sur le revenu dont vous êtes redevable !
Prenons l’exemple d’un rédacteur web : une activité de service, donc. Il a opté pour l’impôt libératoire sur le revenu. Pour calculer son salaire de micro-entrepreneur, il faut donc qu’il déduise de ses 5 000 € brut de CA mensuels :
Ce rédacteur peut ainsi prétendre à une paie mensuelle de 3 833,7 €, auquel il doit encore soustraire ses charges. Donc dans nos exemples 500 € mensuels, ce qui fait qu’au final il gagne 3333,7 € nets.
Sur le papier c’est donc le système le plus intéressant, mais attention, sur ce régime votre patrimoine et celui de votre entreprise sont en fait les mêmes. Votre responsabilité est pleinement engagée, votre couverture sociale est également minime. Et enfin, il est probable qu’avec un tel chiffre d’affaires le micro-entrepreneur dépasse le seuil lui donnant droit au versement libératoire. Ce qui signifie que votre activité est trop importante pour un tel statut.
Le portage salarial consiste, pour le freelance, à passer par une organisation tierce pour profiter des avantages du salariat tout en étant indépendant. Dans ce régime entrepreneurial, votre salaire de freelance dépend de plusieurs facteurs :
À quel salaire peut prétendre un freelance en portage salarial ?
Si notre freelance rédacteur gagne 5 000 € de CA mensuel :
Il est important de rappeler ici le caractère hypothétique de ces chiffres, tant les situations individuelles attirent des rémunérations différentes.
En résumé, le salaire de l’indépendant dépend de son chiffre d’affaires, duquel on soustrait les frais de fonctionnement, les charges, les impôts et l’éventuelle TVA. Jusqu'ici, plutôt évident. Là où ça se complique c'est que chacun de ces éléments se calcule de manière TRES différente pour chaque statut. Une chose à retenir, plus votre statut vous permet d'avoir un salaire net élevé par rapport à votre chiffre d'affaires, moins vous êtes couvert sur le plan social. Pour plus de détail, notre article est fait pour vous !
Il y a en fait 5 régimes juridiques que l'indépendant peut sélectionner pour monter sa société en France sont la micro-entreprise, l’EIRL, l’EURL, la SASU et on l'oublie parfois, le portage salarial. Aucun n'est fondamentalement et incontestablement meilleurs que les autres, ils diffèrent sur de nombreux points, la question n'est pas "quel est le meilleur statut ?" mais plutôt "quel statut correspond le mieux à mes besoins ?".
Les travailleurs non salariés (TNS) sont des personnes à leurs comptes qui dépendent de la sécurité sociale des indépendants (SSI) : chef d’entreprise individuelle, gérant associé unique d’EURL, gérant majoritaire de SARL. Les assimilés salariés sont les dirigeants de sociétés anonymes (SA) et de sociétés par actions simplifiées (SAS). La principale différence est que la couverture sociale des assimilés salariés est dans l'ensemble meilleur que c'est les travailleurs non-salariés, elle est en fait très proche de celle des salariés classiques.
Le sujet du freelancing vous passionne, alors ces articles devraient vous intéresser également.
Agathe Rivière